Pourquoi réutiliser les masques jetables est une très mauvaise bonne idée

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Depuis plusieurs mois, les médias relayent que les petits masques bleus à usage unique qui ont envahi nos visages et notre environnement seraient lavables jusqu’à 10 fois, alors que beaucoup utilisent déjà le même encore et encore pendant des semaines, voire des mois. Pourtant, du fait de la baisse du pouvoir filtrant des masques jetables sur les particules fines, les plus dangereuses, et des microfibres plastiques quils libèrent dans la durée, les porter plus que quelques heures ou, pire, les passer à la machine est très risqué pour les personnes comme pour lenvironnement. Explications.

Par Antoine Palangié *

Laver les masques jetables naura aucun bénéfice en matière de santé des humains ou de la planète, au contraire. En cause, le procédé mis en œuvre pour assurer lessentiel de leur pouvoir filtrant qui ne supporte pas leau ; le même défaut limite leur durée de vie utile en pleine capacité à quelques heures : jetables, ils le sont donc pour une bonne raison, malheureusement.

Pouvoir les réutiliser serait pourtant une excellente nouvelle alors que 130 milliards de ces masques de procédure médicale à usage unique – leur appellation officielle – finissent chaque mois disséminés dans la nature et dans les décharges. Depuis le début de la pandémie, environ 3 400 milliards dentre eux ont été consommés. Cest assez pour faire… 17 000 fois le tour de la Terre, et plus de deux fois laller-retour au Soleil.

Parce quils sont faits de fibres plastiques quasi éternelles, parler dun désastre écologique greffé à la crise sanitaire nest donc pas exagéré. Et il devient tentant despérer des solutions miracles. Mais la réalité du terrain est, une fois encore, plus complexe que celle des effets dannonces médiatiques.

Jamais sans ma charge

Les masques de procédure médicale jetables trichent : ils doivent la majeure partie de leur capacité de filtration à une barrière électrostatique artificielle. En gros, leurs fibres synthétiques sont chargées d’électricité statique avant de quitter lusine, ce qui leur permet dagir comme autant daimants miniatures sur les particules émises par lexpiration de porteur et celles présentes dans lair quil inspire.

Sans ce pouvoir dattraction, les masques à usage unique sont en fait un piètre moyen de protection du porteur comme de son entourage, puisque mal formés sur le visage et donc très peu étanches. Autrement dit, ils fuient sur tout leur pourtour et ne limitent que très peu la dissémination vers lextérieur et la pénétration vers lintérieur des particules sils ne les « aimantent » pas à leurs fibres.

Le problème, cest que cette barrière électrostatique est détruite par leau. Cest par essence la raison pour laquelle ces masques sont jetables au bout de 3 ou 4 heures à peine : lhumidité du souffle du porteur dissipe la charge électrique, et donc cette capacité du masque à se comporter comme un aimant.

A fortiori, laver un masque jetable, même une seule fois, le ramène à ce quil est à la base sans sa charge électrostatique : un banal bout de tissu synthétique mal tendu et mal ajusté devant le nez et la bouche.

Quon porte trop longtemps un masque jetable ou quon le lave, le résultat est donc le même : un pouvoir protecteur très inférieur à celui du même masque neuf, et très insuffisant dans labsolu.

Un piège trop grossier

Les promoteurs de la réutilisation font valoir que le tissu lui-même dun masque jetable lavé jusqu’à 10 fois reste assez serré pour retenir les particules de 3 microns et plus. Cest suffisant pour être conforme à la norme EN 14683:2019 qui régit les masques médicaux, explique la publication scientifique à lorigine de ce concept de lavage des masques à usage unique1.

Mais cest un acquis très fragile face à la réalité de la pandémie en cours. Car si la limite à 3 microns garantit bien une protection contre les bactéries, elle est quasiment sans effet sur les virus, qui sont beaucoup plus fins. À titre dexemple, le virus de la COVID-19 est environ 30 fois plus petit en diamètre, et 27 000 fois plus petit en volume.

De plus, la pandémie en cours a changé la compréhension de la transmission des maladies respiratoires : on sait maintenant quelle sopère dabord via les aérosols, des particules en suspension dans lair extrêmement fines (les particules nanométriques ou submicroniques, cest-à-dire dune taille en dessous du micron)2, beaucoup plus petites que celles quont considérait jusquici vecteurs des pathogènes, comme les postillons ou les crachats. Et cela avant même de considérer le problème de la très mauvaise étanchéité du masque médical jetable.

Polluants jusqu’à la fibre

Enfin, et cest aussi capital, les masques jetables libèrent dans lenvironnement dimportantes quantités de fibres synthétiques non biodégradables, très fortement soupçonnées de perturber profondément les écosystèmes, aquatiques notamment3.

Avec le brassage, le frottement, lexposition à leau chaude et aux agents chimiques, laver les masques jetables aggrave lintensité de cette pollution par les microplastiques en accélérant lusure et le détachement des fibres.

Nen jetez plus !

Avec larrivée de normes rigoureuses sur les masques réutilisables telles que la F3502-21 de la prestigieuse American Society for testings and Materials et larrivée toute récente de masques de niveau médical lavables hautement réutilisables, les produits dûment testés et conformes offrent dorénavant des solutions de rechange efficaces et écoperformantes aux protections respiratoires à usage unique.

Il est aussi grand temps de tirer les leçons des débuts de la pandémie, marqués par une pénurie extrême de masques jetables, en constituant des stocks de ces nouveaux masques lavables. Car en plus des graves lacunes déjà exposées, il faut savoir que les masques jetables perdent leur charge électrostatique même à l’état neuf dans leur emballage, ce qui limite leur durée de conservation à quelques mois.

Cest donc vers ces nouvelles solutions durables que doivent maintenant se diriger les choix des décideurs et des acheteurs, les efforts de R&D, dans le contexte dune pandémie qui nen finit pas de finir, comme dans celui, à encore plus long terme, dun système de santé où le tout-jetable reste la norme et menace les engagements en protection de lenvironnement à l’échelle planétaire.

(*) Antoine Palangié est ingénieur-chercheur en environnement de formation, journaliste et consultant scientifique. Depuis le tout début de la pandémie de COVID-19, il collabore en tant quexpert à des projets de développement de médias filtrants durables, respirants et efficaces pour lutter contre la prolifération des masques jetables. Il est directeur scientifique de FRËTT SOLUTIONS, la première compagnie au monde à proposer des masques de niveau médical et FFP2 lavables plus de 100 fois dans une simple machine domestique. 

(1) https://dx.doi.org/10.1016%2Fj.chemosphere.2021.132364

(2) https://doi.org/10.1016/j.jaerosci.2021.105914

(3) https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1830698/masques-jetables-microplastique

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