Les présomptions d’impacts de la pollution plastique sur les santés humaine, animale et même végétale étaient très lourdes, mais c’est la première fois qu’une pathologie formellement reliée à son ingestion est décrite scientifiquement. Et tout indique que cette maladie d’un genre nouveau n’est que le début d’une très longue liste des méfaits du plastique qui sature la planète entière.
Par Antoine Palangié
Jeunes comme adultes, ils peinent à se nourrir, ont des problèmes de croissance, résistent moins bien aux maladies, meurent prématurément. Eux, ce sont les macareux à pieds pâles de l’île Lord Howe, de petits oiseaux de mer qui nichent sur un rocher perdu dans le Pacifique à 600 km de l’Australie. Le problème pourrait donc paraître anecdotique, mais justement : si une population tant à l’écart des activités humaines est si gravement affectée, c’est de très, très mauvais augure pour la santé des océans et de la planète dans son ensemble.
Et comme les macareux ne sont pas des oiseaux particulièrement sensibles et que la pollution de leur habitat n’est pas spécialement aiguë, il n’y a aucune raison de penser que d’autres espèces de vertébrés, incluant mammifères et ultimement humains, ne sont pas affectées, concluent les chercheurs à l’origine de la publication. (www.sciencedirect.com/Plasticosis)
Blessure permanente
Le plastique a le très gros défaut de ses très grandes qualités : comme il repousse l’eau, qu’il est imputrescible, il n’est pas biodégradable et par conséquent particulièrement indigeste. Quand les oiseaux en avalent des morceaux, ils blessent les parois internes de leurs voies digestives. Ces agressions répétées, couplées à la réaction inflammatoire de rejet de ces corps étrangers par l’organisme, provoquent un épaississement et un raidissement des tissus cicatriciels qui remplacent petit à petit les tissus fonctionnels superficiels chargés, par exemple, de l’assimilation des nutriments.
Pire, qui dit non biodégradable dit bioaccumulable et les déchets plastiques s’entassent dans les oiseaux, jusqu’à constituer 10 % du poids des poussins. Plus de plastique, donc plus de plaies et plus d’inflammation, donc moins de tissu fonctionnel : c’est le mécanisme vicieux de la plasticose.
Small is NOT beautiful
Et pour les humains ? Évidemment, à la différence de beaucoup d’animaux, nous savons détecter un bouchon de bouteille ou une bille de polystyrène dans nos aliments et n’avalons pas consciemment de particules suffisamment grosses pour être visibles. Mais le microplastique – les particules pour la plupart invisibles qui résultent de l’érosion et de la fragmentation du plastique macroscopique – est omniprésent dans nos emballages, la nourriture que nous mangeons, l’eau que nous buvons, les vêtements que nous portons, l’air que nous respirons… au point que les études montrent que nous en ingérons en moyenne 5 grammes par semaine, autant que dans une carte de crédit ! (PDF: Assessing plastic ingestion from nature to people)
Les recherches sur l’impact sanitaire de la pollution plastique commencent seulement, mais d’emblée les premières constatations sont préoccupantes : la finesse de certaines fibres synthétiques, comme celles mises en œuvre dans les masques jetables, et l’extrême division des plastiques dans l’environnement permettent à ses particules de pénétrer si profondément dans l’organisme qu’on les retrouve dans le tissu pulmonaire, dans le sang, dans le placenta.
Ces minuscules fragments ne peuvent pas ouvrir des plaies comme le font les morceaux plus gros, et n’ont pas de toxicité aiguë intrinsèque. Ce sont pourtant ces particules les plus fines qui inquiètent le plus les chercheurs : parce qu’ils se comportent comme des mini-aimants pour d’autres vrais poisons comme les métaux lourds et les COV, les nanoplastiques sont potentiellement le cheval de Troie des pires polluants jusqu’au cerveau ou même l’ADN s’il s’avère effectivement qu’ils traversent parois cellulaires et barrière hémato-encéphalique.
Source supplémentaire:
La phagocytose microgliale des microplastiques de polystyrène entraîne une altération immunitaire et une apoptose in vitro et in vivohttps://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/34627918/